Saïd Djabelkhir : “Il n’y a rien en Algérie qui encourage le débat, le vivre-ensemble et l’acceptation de la différence”
À la veille de son procès, l’islamologie Saïd Djabelkhir s’exprime, dans un entretien accordé au quotidien français Le Figaro, sur les raisons de ses ennuis judiciaires. Il évoque également le Hirak et la progession de l’obscurantisme dans le pays, avant de plaider pour la liberté de penser.
L’islamologue Saïd Djabelkhir a accordé un entretien au journal français Le Figaro à la veille du procès dans lequel il est poursuivi pour «atteinte aux préceptes de l’islam et aux rites musulmans», pour expliquer les raisons d’un procès pas comme les autres. Il a rappelé que c’est la première fois dans toute l’histoire du pays « qu’un universitaire est poursuivi pour avoir donné son avis dans son propre domaine de compétence », ajoutant que « d’habitude, les gens qui sont poursuivis sont des militants, ou des jeunes qui publient sur les réseaux sociaux, mais pas des spécialistes de l’islam. »
A la question de savoir ce quon lui reproche précisément, l’islamologue a affirmé que c’est sa déconstruction d’une fatwa ayant décrété la fête de Yennayer illicite d’un point de vue religieux (haram), qui lui a valu ces poursuites judiciaires. Pour avoir rappelé que des rituels musulmans existant bien avant l’islam, tels que certains pèlerinages, Djabelkhir a été « accusé de nier les paroles du prophète. ».
« Je considère certains haddiths comme non recevables. Par exemple celui qui dit que le prophète a conseillé à certaines tribus de boire de l’urine de chamelle à des fins thérapeutiques. Pour moi, il ne devrait pas lui être attribué », a-t-il expliqué.
Interrogé sur la façon avec laquelle il compte se défendre devant le juge, le libre penseur a fait savoir que ses avocats se chargeront des aspects juridiques alors que lui défendra ses positions en s’appuyant sur des textes tirés de la religion musulmane.
Abordant les questions sociétales, Djabelkhir a déploré le fait que la société algérienne n’a pas assimiler les leçons d’une décennie de terrorisme. « La violence, l’exclusion, le refus de l’altérité et du débat, tout cela est monnaie courante », a-t-il ajouté, soulignant que « l’obscurantisme gagne de plus en plus de terrain en Algérie ».
L’islamologue a estimé que rien n’a changé depuis les années 1990 sur le plan des idées. « Les programmes scolaires sont les mêmes et il n’y a rien qui encourage le débat, le vivre-ensemble et l’acceptation de la différence ». A son sens, rien n’exclut que les événements ne se répètent.
À la question de savoir s’il soutien le Hirak, il a répondu qu’il l’a soutenu à ses débuts, mais qu’aujourd’hui plusieurs tendances cohabitent en son sein. Le Hirak est « à un carrefour, on ne sait pas ou cela va mener », a-t-il dit. Et d’ajouter que le mouvement « a en tout cas un mérite: les Algériens commencent à comprendre que leurs problèmes ne peuvent pas être résolus en dehors du débat contradictoire et non-violent. Et c’est déjà un grand pas en avant. »
M. Mansour