Le gouvernement utilise le levier du glissement du dinar pour financer le déficit budgétaire: nouveau record de l’euro à près de 159 dinars Par Larbi Ghazala
Comment financer l’important déficit budgétaire sans utiliser la «planche à billet» ni l’endettement extérieur ? En «dévaluant» le dinar, répond le gouvernement qui espère contenir l’inflation autour de 4,5% en 2021, contre la moitié en 2020.
Le taux de change de l’euro face au dinar a franchi aujourd’hui un nouveau palier historique à 158,47 dinars, soit une hausse de 20 % en une année, selon la cotation commerciale du jour, disponible sur le site de la Banque d’Algérie. Quant au billet vert, il a atteint les 130,5 dinars, soit une hausse de près de 9% en une année.
Cette dépréciation accélérée de la monnaie nationale, qui n’a été annoncée ni par le gouvernement ni par la Banque d’Algérie, semble répondre à un pressant besoin de financement de l’imposant déficit budgétaire pour 2020 et qui doit atteindre les 2 950 milliards de dinars (22,6 milliards de dollars), à la clôture de l’exercice.
Avec des recettes divisées par deux et la décision de ne recourir ni au financement non conventionnel ni à l’endettement extérieur, le gouvernement, qui n’a toujours pas présenter son plan de relance, a décidé de colmater les brèches avec le levier du taux de change.
La plus-value de cette variation du taux de change permettra ainsi de faire face aux dépenses urgentes tels que les salaires des fonctionnaires et les différentes pensions.
Pour 2021, le ministre des Finances avait annoncé, dans le cadre de la présentation de la loi de finances pour 2021, que le gouvernement allait utiliser, au minimum deux leviers pour financer le déficit budgétaire de l’année prochaine et qui devrait atteindre les 2 800 milliards de dinars (21,45 milliards de dollars).
Premier levier : «l’application des mécanismes de la politique monétaire, stipulés dans la loi, en concertation avec la Banque d’Algérie», en d’autres termes, la dévaluation du dinar.
Le deuxième levier, toujours selon le ministre des Finances, est l’utilisation d’une partie des 2 800 milliards de dinars de la Banque d’Algérie (capital, réserves, provisions) pour faire face à la crise de liquidité en apportant du cash aux banques ainsi qu’au Trésor.
La Banque d’Algérie ne publiant plus ses Notes de conjonctures, il nous reste les projections du gouvernement qui table sur un taux de change du dinar par rapport au dollar à 142,20 en 2021, 149,31 en 2022 et 156,78 en 2023, contre 130,5 aujourd’hui. Si l’euro progresse avec la même proportion, il est attendu un taux de change de la monnaie européenne autour de 163,5 dinars pour 2021, 172 dinars en 2022 et 180,6 dinars pour 2023.
Avec des frontières fermées et une récession laminant le pouvoir d’achat, l’écart du taux de change du marché parallèle par rapport au taux officiel a reculé sur une année de 50% à 29,3%.
En comptant les différentes taxes à l’import et l’impôt sur les sociétés, la contraction de l’écart du taux de change officiel avec le parallèle, devrait inverser le sens de la fraude ; d’une surfacturation saignant les réserves de change à la minoration de la valeur à l’importation, synonyme de baisse des recettes fiscales.