Justice: l’histoire d’une magistrate qui révèle l’ampleur du mal sous Bouteflika
Menacée, harcelée, mutée, mais elle n’a jamais cédé. Une magistrate, ancienne présidente de la chambre commerciale près la Cour de justice de Boumerdès, a osé défier l’ancien ministre de l’Industrie, Abdeslam Bouchouareb, et l’homme d’affaires, Mahieddine Tahkout, lorsqu’ils faisaient la pluie et le beau temps dans le pays.
Selon le quotidien El Khabar qui rapporte les détails de l’affaire, la juge S.S. a tenu tête aussi à ses supérieurs au niveau de la même Cour qui sont allés jusqu’à la menacer pour l’empêcher d’inquiéter l’ancien ministre et «financier» de la campagne électoral pour le cinquième mandat de Bouteflika.
Selon la même source, des pressions terribles ont été exercées sur la magistrate pour trancher en faveur d’une entreprise de chips appartenant à Abdeslam Bouchouareb. Ayant été esté en justice par une banque publique pour obtenir le remboursement de 25 millions de DA pris indûment, l’ancien ministre a actionné ses relais dans la chancellerie pour gagner l’affaire.
« Voulez-vous vous retrouver à Tamanrasset ? », « Comment trancher contre le financier de la campagne du président », c’est de cette façon que les supérieurs de la juge ont tenté de l’intimider pour soutenir, dans son verdict en appel, ceux prononcés en premières instances en faveur de l’entreprise de Bouchouareb et de celle Tahkout qui avait refusé de payer des pièces détachées achetées auprès de la SNVI.
Pour l’intimider, une des responsables de la Cour de Boumerdes a même brandi des documents parvenus, selon elle, de la Présidence de la République et du ministère de la Justice. Mais en vain! La magistrate a rendu ses décisions dans le respect de la loi, ce qui lui a valu une mutation au tribunal d’Aïn Defla.
L’affaire est actuellement en cours d’instruction. Parmi les personnes entendues, figure Saïd Bouteflika, frère-cadet de l’ancien chef de l’Etat, qui a nié tout rapport avec ce dossier.
Boualem Rabah