Histoire : quand l’OAS plongeait Oran dans un bain de sang
Il y a 59 ans jour pour jour, le cessez-le-feu entrait en vigueur en Algérie, après une guerre âpre de plus de sept ans contre l’occupant français. Les extrémistes parmi les colons et les officiers de l’armée coloniale lançaient l’Organisation armée secrète (OAS), une milice sanguinaire qui ambitionnait d’entraver la marche inexorable du peuple algérien vers son indépendance. A Oran, elle perpétra un véritable bain de sang.
Le professeur d’histoire moderne et contemporaine de l’université Oran 1, le docteur Mohamed Belhadj, a souligné que l’Organisation Armée Secrète (OAS), créée par des officiers français dissidents de l’armée coloniale, a transformé la ville d’Oran en “bain de sang” pour les civils sans défense, notamment après la signature des accords d’Evian et le début de son application, le 19 mars 1962.
Dans un entretien à l’APS à veille de la célébration de la fête de la victoire, Belhadj Mohamed a indiqué que les deux années précédant l’indépendance (1961-1962) sont la période la plus sanglante dans l’histoire des crimes du colonialisme français dans la ville d’Oran, en raison des actions de l’OAS refusant les négociations sur l’indépendance de l’Algérie.
L’OAS a pris Oran comme “point d’ancrage essentiel pour elle”, a-t-il dit, précisant que “pour de multiples considérations, la ville d’Oran est devenue le théâtre d’opérations d’assassinat et de terrorisme, parfois collectives et d’autres individuelles, menées par le général Edmond Jouhau, né à Bousfer (Oran).
L’universitaire a relevé que les institutions administratives et sécuritaires coloniales étaient de connivence avec les éléments de l’OAS, en leur fournissant des armes, des habits, des vêtements et des informations, ce qui leur a permis d’élargir leurs activités criminelles.
Il a cité, à ce propos, la fuite du lieutenant Maurice et du sergent Davi de la caserne de l’armée coloniale de Misserghine, en avril 1962, avec un camion plein de fusils et de grenades pour approvisionner l’OAS, ainsi que Rémy Pujol, responsable de l’OAS au quartier de Gambetta (Es-Seddikia, actuellement), qui a pris des armes et des munitions du bureau administratif urbain du quartier de Petit Lac.
Destructions tous azimuts
Mohamed Belhadj, auteur de plusieurs articles sur la guerre de libération nationale dans les périodiques universitaires, a cité parmi les nombreuses opérations terroristes perpétrées par l’OAS contre des civils sans défense, l’assassinat de l’avocat Abed M’hamed, le 16 décembre 1961 devant le tribunal, sensé faire l’objet, à cette époque, d’un renforcement sécuritaire particulier.
Il cite également l’enlèvement, à la prison civile d’Oran, le 12 janvier 1962, de prisonniers condamnés à mort et à perpétuité, dont Guerrab Houari (Einsenhower), Hamdani Adda (Si Othmane), Bendjebbar Adda (Si Sabri) et Frih Mohamed. Ces derniers ont été torturés et exécutés sommairement puis, le lendemain, leurs corps ont été brûlés dans la forêt de Canastel “El-Menzah”.
Les membres de l’Organisation Armée Secrète terroriste, ajoute-il, ciblaient les algériens même dans les cliniques et les hôpitaux, entre autres celles concernant l’attentat meurtrier contre les époux Abassia et Mustapha fodil, perpétré le 2 mars 1962 à la clinique du front de mer “Lazreg”.
Le mois de février 1962 est considéré comme le plus sanguinaire de cette époque, avec la plus horrible et la plus féroce des opérations, celle concernant l’attentat à la voiture piégée commis, en plein mois de Ramadhan, par les éléments de l’OAS sur l’esplanade de M’dina Jdida (Tahtaha de ville nouvelle), qui s’est soldée par la mort de 80 chahids et des dizaines de blessés, laissant derrière eux des scènes horribles de “lambeaux” de chair humaine disséminés sur les lieux du massacre, ajoute le docteur Mohamed Belhadj.
Les opérations terroristes collectives étaient nombreuses dans la ville d’Oran, notamment celles ayant ciblé des algériens à la rue Viviani (Sekiou Baghdad, actuellement) au quartier El-Mokrani, où des voitures avec des individus armés sillonnaient les rues et tiraient sur les passants de manière anarchique, ciblant les civils. Le cas du 11 mai 1962 où 15 femmes, des travailleuses des services d’hygiène, ont été tuées en plein cœur de la ville, en est un exemple.
Les snipers de l’OAS d’Oran utilisaient les terrasses des immeubles, au Plateau St Michel (Sidi Bachir) pour assassiner de plus en plus de personnes.
Parmi les attentats qui ont ciblé les installations économiques, le chercheur cite les explosions des cuves d’hydrocarbures du port d’Oran, le 25 juin 1962 et l’attentat à la voiture piégée devant la société de l’électricité et du gaz.
La contre-offensive des moudjahidine
Belhadj Mohamed a relevé que le commandement de la guerre de libération nationale a intensifié les efforts, déjà entamés dans le cadre de la zone libre d’Oran et qui était dirigée les commandants Bachir Bouyedjra, dit Abdelbaki, et Chadli Benguesmia, dit Si Abdelhamid, auxquels s’est joint l’officier Djelloul Bakhti Nemiche.
Les moudjahidine ont fait face aux plans de l’OAS et ont procédé à la poursuite de ses éléments et ont réussi à arrêter le général Jouhau, le 25 mars 1962.
Les moudjahidine et les fidayine n’ont pas arrêté leur lutte contre les éléments de la sinistre organisation terroriste OAS et leur poursuite, sachant que les fidayine d’Oran protégeaient également les sympathisants européens avec la cause algérienne, car ces derniers étaient aussi des cibles de l’OAS.
Le Front de Libération Nationale a mis en place une équipe médicale pour prendre en charge les victimes blessés des attentats commis par l’OAS, et malgré leur nombre restreint, les médecins algériens se sont distingués par leur “courage exemplaire” face à la situation dangereuse, à l’instar du docteur Boudraâ Bel-Abbes, le docteur Bebia et bien d’autres, selon le chercheur Mohamed Belhadj.
A.A./APS