Essais nucléaires en Algérie : plaidoyer pour le rapatriement des déchets en France
Le directeur de l’Observatoire des armements en France, Patrice Bouveret, a plaidé pour le “rapatriement” et le “traitement en France” des déchets radioactifs provenant des essais nucléaires effectués par l’ancienne puissance coloniale dans le Sahara algérien dans les années 1960.
S’exprimant dans un entretien paru jeudi dans le quotidien français Libération, M. Bouveret a affirmé qu'”il faudrait déjà lancer une mission pour nettoyer les sites contaminés et collecter les restes. Il faut bien évidemment affecter des moyens pour cela et, ensuite les déchets nucléaires du Sahara devraient être rapatriés en France et traités dans des sites nucléaires”.
“Toutes les informations n’ont pas été rendues publiques sur les résidus des déchets nucléaires. Ce n’est pas un problème technique, mais un problème de volonté politique”, a expliqué M. Bouveret, également co-auteur, avec Jean-Marie Collin, de “Sous le sable, la radioactivité! Déchets des essais nucléaires français en Algérie”.Il a ainsi recommandé que “des équipes spécialisées doivent aller sur place et entamer ce nettoyage”.
L’entretien accordé par M. Bouveret au journal Libération, qui a consacré un dossier complet à ces essais nucléaires, coïncide avec la visite de travail qu’effectuera dimanche prochain le Premier ministre français, Jean Castex, en Algérie.
Les essais nucléaires criminels, menés par la France coloniale du 13 février au 1er mai 1966 à Reggane (Adrar) et In Ecker (Tamanrasset), continuent de faire des ravages parmi les populations de la région, causant des pathologies jusque-là méconnues, aujourd’hui perceptibles aussi bien sur la santé humaine que l’environnement, la faune et la flore.
Le premier essai effectué à Reggane, avec une puissance variant entre 60.000 et 70.000 tonnes de TNT explosif, équivaut à une bombe cinq fois plus puissante que celle lancée sur Hiroshima, selon des experts.
Non seulement les sites où les essais ont été effectués n’ont pas été totalement décontaminés, mais les effets des radiations demeurent toujours dévastateurs et tragiques, sachant que les déchets métalliques hautement radioactifs, comme les bidons, les fûts et autres objets laissés par le colonisateur ont été utilisés par les populations, notamment les nomades, ce qui constitue un réel danger pour ces habitants.
Effets toujours en cours
Aujourd’hui, les populations des régions touchées par ces essais nucléaires en subissent les séquelles dans la mesure où des cas de cancer ou de malformation sont diagnostiqués chaque année, particulièrement chez les nouveau-nés.
Outre l’apparition au fil des années de nouvelles maladies liées notamment au cancer, la leucémie, la cécité et les malformations congénitales, provoquées par la radioactivité, il est également relevé les stress et troubles psychologiques chroniques qui pèsent lourdement sur la vie quotidienne des populations de la région.
En ce sens, l’oncologiste Pr Kamel Bouzid du Centre Pierre et Marie-Curie d’Alger avait déjà révélé que les essais nucléaires français ont provoqué pour certains des fuites radioactives ayant atteint la Tanzanie (Afrique de l’Est) et la Côte-d’Ivoire (Afrique de l’Ouest), provoquant la mort de plusieurs habitants de ces régions ainsi que de soldats français.
“Les effets radioactifs engendrés continuent et continueront encore de causer des cancers, des handicaps et la stérilité”, a affirmé Pr Bouzid, exigeant que “la France nettoie ces sites comme l’avait fait la Russie à Tchernobyl en 1986 et le Japon à Fukushima en 2011”.
En février dernier, la France a été rattrapée par ces essais nucléaires, après avoir été touchée par le sable du Sahara algérien, contenant des particules radioactives portées par des vents, selon un spécialiste français de la radioprotection.
En effet, le ciel au-dessus de la France était sombre et orangé en raison du sable du Sahara, charrié par les vents et contenant du césium-137, qui est un composant radioactif, avait expliqué un spécialiste de la radioprotection à l’Université de Caen, Pierre Barbey.
“Les données qu’on a publiées sont sans ambiguïté : on a découvert du césium 137 (qui) remonte au début des années 60, quand la France avait effectué ces essais nucléaires atmosphériques dans le Sahara (algérien)”, avait indiqué M. Barbey, suite à la découverte de ces particules radioactives dans le sable du Sahara déposé sur une partie du territoire français.
A.A./APS