Covid-19 : les Etats-Unis favorables à la levée des brevets sur les vaccins
Il s’agit d’une véritable culturelle et idéologique au pays de la liberté d’entreprise. Washington se dit favorable à la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid. L’industrie pharmaceutique, pour sa part, exprime son mécontentement.
Les Etats-Unis ont annoncé qu’ils étaient favorables à la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid, une prise de position exceptionnelle à l’heure où les pays pauvres manquent cruellement des précieuses doses, notamment en Inde, frappée par un record de 4.000 morts ces dernières 24 heures.
L’Inde a enregistré 3.980 décès et 412.262 nouvelles contaminations en 24 heures, selon des données officielles publiées jeudi. Cela porte son bilan total, que les experts jugent largement sous-évalué, à plus de 230.000 morts et plus de 21 millions de cas.
“Il s’agit d’une crise sanitaire mondiale, et les circonstances extraordinaires de la pandémie du Covid-19 appellent à des mesures extraordinaires”, a déclaré mercredi la représentante américaine au Commerce Katherine Tai. “L’administration (américaine) croit fermement aux protections de la propriété intellectuelle, mais pour mettre fin à cette pandémie, elle soutient la levée” des brevets sur les vaccins.
Le patron de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a salué sur Twitter une “décision historique”.
“L’UE est prête à discuter de toute proposition qui s’attaquerait à la crise de façon efficace et pragmatique” et “de la façon dont la proposition américaine peut permettre d’atteindre cet objectif”, a réagi jeudi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Jusqu’à présent, l’UE ne se disait pas favorable, arguant que cette solution prendrait du temps, faute de moyens de production immédiatement mobilisables. Mas Bruxelles avait semblé récemment entrouvrir la porte.
Big Pharma mécontente
Pour l’heure, les brevets sont détenus essentiellement par des laboratoires américains qui sont globalement opposés à leur levée car cela les priverait, selon eux, d’une manne financière pour des innovations coûteuses.
Johnson & Johnson, Pfizer et Moderna n’ont pas directement réagi à l’annonce américaine. Mais la puissante Fédération internationale de l’industrie pharmaceutique (IFPMA) a jugé “décevante” cette annonce.
“Nous sommes totalement en phase avec l’objectif que les vaccins anti-Covid 19 soient rapidement et équitablement partagés dans le monde. Mais comme nous n’avons de cesse de le dire, une suspension est la réponse simple mais fausse à un problème complexe”, a-t-elle expliqué.
Stephen Ubl, le président de la fédération américaine (PhRMA), a souligné que cette décision pourrait ainsi “affaiblir davantage les chaînes d’approvisionnement déjà tendues et favoriser la prolifération des vaccins contrefaits”.
Selon lui, il faut plutôt s’attaquer au problème de la distribution et de la disponibilité “limitée” des matières premières.
L’annonce de Washington intervient alors qu’en Inde, les hôpitaux sont submergés et à court de réserves d’oxygène, de médicaments et de lits, malgré l’aide internationale.
Les autorités ont prévenu que le pays de 1,3 milliard d’habitants devait se préparer à affronter “de nouvelles vagues” épidémiques. Selon les spécialistes, le pire serait encore à venir, avec un pic épidémique qui pourrait n’être atteint que d’ici plusieurs semaines.
La Banque centrale indienne a annoncé 6,7 milliards de dollars de prêts bon marché au système de santé vétuste qui peine à surmonter l’afflux de malades, certains trouvant la mort aux portes mêmes des hôpitaux.
La levée temporaire des brevets sur les vaccins est notamment réclamée par l’Inde et l’Afrique du Sud pour pouvoir accélérer la production, mais certains pays y sont opposés.
La France plaide par exemple plutôt pour des dons en faveur des pays démunis, tandis que l’Italie a salué jeudi “un progrès important” dans la proposition américaine. “L’Europe doit aussi jouer son rôle. Cette pandémie nous a appris que nous ne pouvons gagner qu’ensemble”, a jugé le ministre italien de la Santé Roberto Speranza.
A.A./Agences