Affaire Djabelkhir : il ne s’agit que d’un début, selon Kamel Daoud
La sentence prononcée contre l’islamologue Saïd Djabelkhir, condamné à trois ans de prison pour ses opinions, continue de faire réagir des intellectuels algériens. La dernière en date est celle de l’écrivain Kamel Daoud, qui a prévenu que l’affaire Djabelkhir « n’est qu’un début ».
Dans une contribution publiée, hier samedi, dans les colonnes du quotidien Liberté, le journaliste et écrivain Kamel Daoud a expliqué comment « la condamnation de cet universitaire au brillant parcours, rappelle la réalité du terrain, là où sont les pouvoirs aujourd’hui, comment ils s’organisent, avancent et s’allient ».
En ouvrant une parenthèse pour évoquer ses propres démêlés judiciaires avec le prédicateur salafiste Abdelfattah Hamadache, Daoud a mis en exergue l’existence d’une « connivence » entre le pouvoir et les forces de l’obscurantisme, mais également entre la justice et ces mêmes forces.
Sans l’identifier nommément, il a rappelé comment l’« imam » avait émis une fatwa contre lui en 2016. Au terme de deux procès, le prédicateur s’en était sorti, sans être inquiété outre mesure. La Cour d’Oran avait clos le dossier en prononçant son « incompétence ».
Pour Kamel Daoud, cette affaire a révélé la réalité d’une alliance néfaste. « Ceux qui voulaient bien regarder au-delà des émotions ou des indignations, il y avait-là la révélation que face à l’islamisme, la justice algérienne, du moins par la personne de certains de ses magistrats, laissait entrevoir un délit de connivence, une preuve de recul face à la peur ou le signe d’un changement qu’on ne voyait pas encore à l’œil nu », a-t-il écrit.
Et d’ajouter qu’« avec la condamnation de l’universitaire Saïd Djabelkhir à trois ans de prison, sous plainte “organisée” d’avocats aux penchants inquisiteurs connus, on est encore une fois confronté à cette réalité qu’on refuse, car elle incommode, car elle révèle nos échecs et nos erreurs, nos lâchetés et nos faux calculs d’exilés mentaux dans notre propre pays », a-t-il ajouté.
Il le dit d’ailleurs très clairement : « les islamistes passent à l’offensive, s’organisent à la lumière du jour et repartent à la conquête de la propriété du pays ».
Tout en décelant des mutations dans leur mode opératoire, il a expliqué que ces « islamistes démontrent qu’ils ont bien compris la leçon du passé ». Selon lui, « ils ne sont plus hirsutes et hurleurs. Car aujourd’hui, ils agissent comme de rusés communistes des années 70, des “soutiens critiques” habiles et efficaces, des entristes. Là où des démocrates, aujourd’hui, agissent comme le FIS des années 90, avec occupation des espaces publics et tapages urbains, menaces et confrontations inutiles ».
En conclusion, l’écrivain a tenu à rappeler que Saïd Djabelkhir est « le futur de nous tous ». Son affaire est selon lui, le reflet de la « véritable dictature contre laquelle il faut lutter, celle qu’on veut ignorer, celle qui s’installe et aura son assemblée nationale, ses élus, celle qui a déjà le reste du pays ».
M. Mansour